« Qui regarde vers lui resplendira
sans ombre ni trouble au visage »
Ps.33
Le devoir de joie
Par Christine Ponsard *
Paru dans « Famille Chrétienne » le 24-04-2021
Il peut paraître étrange de parler ainsi de « devoir de joie » : qui serait assez fou pour refuser d’être heureux ? Et pourtant Si nous y réfléchissons bien, notre péché, parfois ou souvent, n’est pas de chercher la joie mais bien plutôt d’y faire obstacle. C’est pourquoi l’éducation chrétienne n’est pas seulement une éducation au renoncement, à l’effort et au sacrifice mais aussi et ce n’est pas incompatible mais complémentaire au bonheur, à la joie confiante des enfants de Dieu.
Un prêtre, qui fêtait son vingt-cinquième anniversaire de sacerdoce, soulignait la joie qui avait marqué ces années au service du Christ : « N’y a-t-il pas pour nous, prêtres, et plus que pour tout autre baptisé, un devoir de joie ? » En effet,(…) non seulement il est légitime d’aspirer au bonheur (« avec Dieu, selon Dieu » et non pas « sans Dieu »), mais encore il est de notre devoir d’accueillir toute la joie que Dieu nous donne.**
Trop souvent, nous ne savons pas goûter pleinement la joie qui nous est donnée au présent parce que nous restons écrasés par le passé ou angoissés par l’avenir. Regardons les petits enfants â ceux à qui Jésus promet le Royaume : ils sont pleinement « présents au présent ». Et c’est ainsi que nous devons vivre et éduquer nos enfants. Car « le passé appartient à la miséricorde et l’avenir à la providence. »
Certes, nous devons donner à nos enfants le sens des responsabilités et de la fidélité, nous devons leur apprendre la prudence qui sait prévoir et organiser. Mais nous devons leur dire l’aujourd’hui de Dieu. Le passé et l’avenir sont importants à condition de rester à leur place : dans les mains de Dieu.
Deux mots clés pour le bonheur : pardon et abandon. Demander pardon pour ses péchés d’hier, abandonner à Dieu ses soucis de demain. Et ainsi être libre et disponible pour accueillir la joie, toute la joie que Dieu nous donne au présent. Concrètement, dans le quotidien de l’éducation, cela veut dire, par exemple : ne pas revenir sur une faute passée et pardonnée ; savoir jouer à fond avec nos enfants sans penser en même temps au linge à repasser, aux difficultés professionnelles ou aux factures à payer ; leur donner l’exemple concret de l’abandon à la providence, par exemple dans notre manière de nous comporter à l’égard de l’argent ; porter sur nos enfants un regard toujours neuf.
Apprendre le bonheur, c’est aussi apprendre à être heureux de ce que l’on a, sans jalousie, sans envie.
On connaît cette histoire â dont il existe de multiples variantes â de l’homme qui veut être heureux et qui, à cet effet, reçoit un jour une clé qui, lui promet-on, ouvre la porte de la « maison du bonheur ». Voilà donc notre homme quittant sa demeure pour parcourir le monde à la recherche de cette fameuse maison : il essaie en vain d’ouvrir des milliers de portes jusqu’à ce que, découragé, il rentre chez lui. Et là, surprise ! La clé s’ajuste exactement à la serrure : il comprend alors que la maison du bonheur n’est autre que sa propre maison.
Quand le Saint-Père conseille d’éduquer les enfants dans un « style de vie simple et austère », c’est bien en vue de leur bonheur. Car, tout le monde le sait, la surabondance de biens matériels, loin de combler la faim de l’homme, le laisse insatisfait, quand ce n’est pas envieux ou jaloux.
Apprendre ce « devoir de joie », c’est aussi apprendre à garder les yeux tournés vers celui
qui est notre joie. C’est chercher son visage à travers le quotidien de nos vies.
Autre histoire : trois hommes travaillent dans une carrière. On leur demande ce qu’ils font.
Le premier dit : « Je casse des cailloux ».
Le second dit : « Je gagne mon pain et celui des miens ».
Le troisième dit : « Je construis une cathédrale pour mon Dieu ».
Un même travail, trois manières de l’envisager : soit comme un labeur inintéressant et fatiguant, soit comme un moyen de vivre, soit comme une raison de vivre.
On pourrait transposer l’histoire avec trois mamans s’affairant dans la maison, avec trois pères à leur travail ou trois écoliers en classe. Le Royaume est là, tout proche : le « devoir de joie », c’est le devoir d’ouvrir les yeux pour voir Dieu qui est plus présent à notre vie que nous le sommes nous-même. Car « le vrai bonheur ne réside ni dans la richesse ou le bien-être, ni dans la gloire humaine ou le pouvoir, ni dans aucune œuvre humaine, si utile soit-elle, comme les sciences, les techniques et les arts, ni dans aucune créature, mais en Dieu seul, source de tout bien et de tout amour. » (Catéchisme § 1723).
*Christine Ponsar est décédée en 2003. Mariée, mère de 3 enfants elle était journaliste et animait des retraites spirituelles pour familles. Elle était responsable notamment de la rubrique La foi en famille de l’hebdomadaire « Famille Chrétienne ».
**« Rends-moi la joie d’être sauvé » Ps 50 : Une retraite prêchée par le père Michel Vigneau, o.ss.t. :Les informations ici.