« Qui regarde vers lui resplendira
sans ombre ni trouble au visage »
Ps.33
Passer de Marthe à Marie
Le Père Yvon Samson, prédicateur de notre première retraite d’été 2016 : « Le guérisseur blessé », a demandé à 4 employées du Centre d’enrichir sa prédication de leurs témoignages : « En quoi travailler au Centre Jean-Paul Régimbal enrichit ou modifie votre chemin de Foi ? »
Voici pour vous le quatrième témoignage :
Bonjour. Je m’appelle Marie-Laure et je suis animatrice au Centre Jean-Paul Régimbal.
J’ai eu la chance de découvrir la Foi dans mon berceau et de la cultiver grâce aux douces soirées passées avec ma grand-mère, passionnante conteuse de « l’histoire Sainte ». À l’âge ou d’autres découvrent Blanche-Neige et sa méchante belle-mère ou Cendrillon et son beau Prince charmant, je rêvais du beau Samson et la traitresse Dalila et voyais Paul tomber de son cheval sur le chemin de Damas….
Le terreau fertile était ensemencé et c’est sur ces bases solides que c’est construite ma vocation de chrétienne, malgré les aléas des révoltes de l’adolescence ou des questionnements du début de l’âge adulte.
La rencontre d’un gentil garçon, pour qui la religion était plutôt source de moqueries, voire de mépris familial a été le début d’un véritable chemin d’Évangélisation. Je me suis fait prophète, porteur de la bonne nouvelle, pour lui, dont la bonne volonté était à toute épreuve, pour les enfants ensuite, pour qui je devins le témoin privilégié de la présence aimante de Dieu dans notre foyer.
Je multipliais les engagements pastoraux, les entrainants à ma suite, véritable moteur de leur cheminement en même temps que du mien.
Préparation au baptême, au mariage, catéchèse, engagement aux diverses conseils paroissiaux et/ou diocésains, Équipe Notre-Dame…. Je proposais et Dominique acceptait, affichant bien haut ses couleurs de « pratiquant non croyant » qui m’ont valu quelques moments de grandes solitudes lorsque l’annonce jetait un froid autour d’une tablée diocésaine.
Bref, j’étais la locomotive de la famille et les « wagons » suivaient, encouragés par mon énergie à « faire » et mon enthousiasme à partager ma foi.
Ce débordement d’action répondait à mon soucis de faire « fructifier mes talents » comme l’évangile de Mathieu nous y invite (Mt 25; 14-30). J’avais reçu des dons que je me devais de mettre en action au service du Seigneur et mes actions portaient fruit puisque les responsabilités pleuvaient et que Dominique découvrait puis vivait à son tour d’une foi naissante. Beau succès qui venait confirmer à mes yeux ma vocation « d’outil agissant dans les mains de Dieu ». Plongée dans l’action j’étais heureuse, tout en haut de mon piédestal !
Puis vint le temps du désert.
Lassés de conditions de travail de plus en plus difficiles pour Dominique, confrontés à la possible déscolarisation de notre fils handicapé faute d’école adaptée à son cas, tentés par l’aventure, l’idée d’une immigration commença à germer. L’enthousiasme de Dom finit par l’enraciner dans notre quotidien tant il mit de zèle à surmonter les difficultés administratives, et devint réalité en quelques mois à peine.
Effrayée par ce changement radical de vie, je me tournais vers le Seigneur : « Que veux-tu que je fasse? Où me veux-tu? ». Une réponse très concrète reçue à Medjogorje, seuls français perdus au milieu d’une église soudain remplie de québécois, me rassure : Le Seigneur me voulait là-bas ? J’irai, confiante et enthousiaste fasse à ce nouveau défi familial.
Oui mais voilà : ici on ne me connait pas, aucun lien de confiance n’est établi et on ne m’attend pas. Si les idées continuent à fuser, je n’ai plus les moyens de les mettre en place. Si mon besoin d’action demeure, il rencontre méfiance et « non merci! ». Je suis Zaché en haut de son arbre qui regarde passer la foule sans en faire partie ou Bartimée, aveugle au bord du chemin sans voir où va le monde qui l’entoure. Et je crie « Seigneur, qu’est-ce que je fais là….puisque justement je ne fais plus rien pour Toi ? »
Une réponse vient, ou plutôt me harcèle tant je ne la comprends pas : L’évangile de Marthe et Marie vient me hanter véritablement, débarquant à l’impromptu aux détours d’une conversation, d’une lecture ou d’une homélie. Et à chaque fois je dis mon incompréhension, voir mon agacement, face à cet Évangile à l’esprit purement masculin, où l’on voit une pauvre femme se pliant en quatre pour recevoir au mieux cette bande d’hommes affamés, et qui en plus, se fait rabrouer par Jésus quand elle ose demander l’aide de sa sœur. « Marie a reçu la meilleure part et elle ne lui sera pas ôtée ! » (Luc 10; 38-41). Ben tiens….Tu parles ! Comme si le travail aller se faire tout seul.
Et je me bats et me débats avec cet évangile qui m’assaille….jusqu’au déclic ! Dieu qu’il m’a fallu de temps pour comprendre un message aussi clair!
Je pose une question et n’écoute pas la réponse : sois patient Seigneur avec ta créature !
Mais ça y est : tu me veux Marie et non plus Marthe. Je dois abandonner le « faire » pour « être »…Mais comment ?
Et comme le Seigneur a réponse à tout, il m’envoie…Alain. Un ami des premières heures qui vient de décrocher un poste passionnant dans un lieu passionnant : il est le directeur général d’un Centre de ressourcement Trinitaire et me propose de participer à l’aventure. Pourquoi pas ?
Un monde inconnu s’ouvre un moi. Un monde où je côtoie pour la première fois mouvements de dépendants anonymes, personnes en quêtes de guérison intérieure, pèlerins de la foi, chercheurs de Dieu. Arrivent devant moi des gens en telle souffrance que je n’ai aucun moyen de « faire » quelque chose : je ne peux que « être ».
Être souriante, accueillante, à l’écoute, empathique, disponible…. Et laisser agir Dieu !
Devenir Marie à l’écoute des Paroles de Vie, pour qu’elles atteignent ceux qui en ont le plus besoin. Tel André, rester le passeur attentif pour que Pierre se mette en marche. Loin d’être inutile, ma vie de foi s’inscrit sur de nouvelles pages d’Évangile ! Merci Seigneur !
Et comme une confirmation, il y a quelques semaines, mes capacités à « faire » sont encore réduite par un infarctus. Au dire de tous, je dois me ménager. Si le Seigneur ne m’avait aidée à descendre de mon piédestal de celle « qui peut tout faire » ça aurait été un véritable séisme. Mais j’ai compris que si je peux moins « faire » je peux toujours « être » le témoin du Christ.
C’est ainsi que le Centre Jean-Paul Régimbal m’aide à répondre au désir de Dieu pour moi, me laissant la liberté de rester à son service et à celui de mes frères et sœurs avec mes moyens, mes aptitudes et mes talents. Me voici Marie et j’en éprouve une immense gratitude.
Marie-Laure